Crise de la Covid, quelles conséquences pour les enfants ?

article paru dans enfant.com

Même tout-petits, les enfants sont concernés par cette épidémie qui dure depuis maintenant un an car elle modifie certains aspects de leur vie quotidienne. Comment le vivent-ils ? Les réponses de Nicole Prieur, psychologue.

Un climat anxiogène

  • Même si vous ne passez pas votre temps à parler Covid à la maison, vos enfants perçoivent un climat particulier autour d’eux. «Ils se rendent bien compte que les relations sociales sont moins nombreuses qu’avant : on voit moins souvent les grands-parents, les copains, les cousins, les voisins, etc. Ils constatent aussi que leurs parents font moins de projets, sont confrontés à de nombreuses incertitudes : pourra-t-on partir en vacances, qu’aura-t-on le droit de faire ? Les enfants réalisent que les adultes sont eux-mêmes un peu dépassés. Leur environnement leur paraît donc moins sécurisant», observe Nicole Prieur.
  • Cette crise hypothèque-t-elle la construction du sentiment de sécurité interne chez les enfants et va-t-elle produire à long terme une génération d’anxieux ? Heureusement non ! «Les enfants ont d’énormes capacités à maintenir de la légèreté et de l’amusement dans leur vie, même quand les conditions extérieures sont difficiles. Malgré la crise, l’essentiel de ce qui fait leur vie et leur permet de grandir harmonieusement est préservé : les relations avec les copains, les enjeux d’autorité avec les parents, les jeux de rivalité avec les frères et sœurs, le jeu, l’imaginaire et les apprentissages», insiste la psychologue.

➢ Le conseil + : 

  • Evitez de regarder la télévision et ses infos anxiogènes en boucle à la maison ! Privilégiez plutôt le partage de moments joyeux en famille : installez-vous tous ensemble devant une comédie, faites des jeux de société amusants. «Le rire partagé est le meilleur antidote à l’angoisse», encourage Nicole Prieur.

Des adultes masqués

  • Du jour au lendemain, les enfants ont vu les adultes qui s’occupent d’eux à la crèche ou à l’école revêtir un masque. Une expérience totalement inédite pour eux et évidemment déstabilisante dans un premier temps, surtout pour les tout-petits. Mais là encore, ne sous-estimons pas leurs capacités d’adaptation !
  • «Pour entrer en communication avec les autres, un tout-petit dispose de nombreux repères sensoriels. Il ne s’intéresse pas qu’aux mouvements des lèvres, loin de là. Il observe le regard de son interlocuteur, son expression corporelle, ses postures, il entend les modulations de sa voix, sent son odeur, éventuellement le touche. Tous ses sens sont impliqués dans l’échange», décrit Nicole Prieur.
  • Et à la maison, les enfants retrouvent des parents non masqués, donc des visages entiers. «Je ne crois absolument pas que le masque soit source de traumatisme pour un enfant, pas plus qu’il n’empêche l’apprentissage du langage. Sinon, les enfants ayant grandi dans des pays asiatiques où le port du masque est courant depuis longtemps seraient tous traumatisés !», ajoute-t-elle.

➢ Le conseil + : 

  • Plutôt que d’extérioriser vos inquiétudes à propos du masque devant votre enfant, profitez-en plutôt pour philosopher avec lui ! «Expliquez-lui qu’en portant un masque, on protège les autres. Et que les autres nous protègent en portant le leur. Voilà une belle occasion de lui transmettre le sens du respect de l’autre et la solidarité», propose Nicole Prieur. 

Les grands-parents moins présents

  • Dans de nombreuses familles, la décision a été prise que les petits-enfants voient moins souvent les grands-parents afin de limiter les risques de contamination. Une situation que les petits-enfants ne vivent pas toujours bien, surtout si la relation était très proche jusque-là.  «Les grands-parents offrent souvent un havre de douceur à leurs petits-enfants, un espace protégé où les interdits sont moins rigoureux, un lieu d’écoute inconditionnelle, une grande disponibilité et beaucoup d’affection. C’est de tout cela dont les petits-enfants sont privés et qui peut manquer à leur équilibre» note Nicole Prieur.
  • Et puis les bambins ne peuvent ignorer ce qui est dit partout : la Covid est plus dangereuse pour les personnes âgées que pour les jeunes. Vont-ils particulièrement s’inquiéter pour leurs grands-parents au point que cela devienne un poids ? Peu probablement. «Ce qui terrifie un enfant, c’est la mort éventuelle de ses parents. Mais il n’envisage pas celle de ses grands-parents avec une telle angoisse : son inconscient a intégré l’ordre générationnel et perçu que les personnes âgées entretiennent de toute façon une plus grande proximité avec la mort que ses propres parents ou lui-même. La réalité de cette maladie ne lui apprend donc rien de vraiment nouveau», décrit Nicole Prieur. 

➢ Le conseil + : 

  • Parlez le plus souvent possible de leurs grands-parents à vos enfants pour les faire exister dans leur quotidien, malgré la distance. Donnez de leurs nouvelles, évoquez de prochaines visites dès que ce sera possible, imaginez ce que vous ferez tous ensemble. N’hésitez pas non plus à solliciter vos parents pour organiser des rendez-vous virtuels réguliers avec leurs petits-enfants : par exemple, chaque samedi après-midi, vous pouvez instaurer un moment «zoom» pour un jeu de société à distance ou pour que les grands-parents racontent une histoire aux petits-enfants.

Des parents qui travaillent à la maison

  • Pour de nombreux parents, le télétravail est devenu la règle : leurs enfants les voient donc travailler au sein du domicile familial. «Cette situation peut semer le trouble chez un enfant, brouiller les frontières. Il peut avoir l’impression que le travail de son parent vient faire intrusion dans son espace intime et surtout lui « prend » son parent. Dès lors, il n’aura de cesse d’essayer, lui aussi, de faire intrusion dans le travail de son parent pour le « récupérer » en attirant son attention», analyse Nicole Prieur. C’est ainsi que des bambins déboulent en pleine téléréunion des parents pour faire coucou aux autres participants !
  • Le travail à la maison peut cependant avoir un avantage : offrir aux enfants une vision plus concrète du métier de leurs parents, alors qu’habituellement cela reste très abstrait pour eux. «Surtout avec les enfants un peu plus grands, ce peut être l’occasion pour un parent d’expliquer son travail, de raconter ce qu’il en retire, en quoi cela l’intéresse», conseille Nicole Prieur.

➢ Le conseil + : 

  • Si votre enfant vient perturber une téléréunion, ne dramatisez pas : vous ne serez pas pour autant disqualifiés dans votre milieu professionnel. Tous les parents sont actuellement logés à la même enseigne et rencontrent les mêmes difficultés ! Inutile donc d’en faire un abcès de fixation conflictuel avec votre enfant, même si bien sûr il est important de lui apprendre à respecter votre «territoire» de travail. 

Isabelle Gravillon avec la collaboration de Nicole Prieur, psychologue, auteure de «Nos enfants, ces petits philosophes», éd. Albin Michel et «Avoir confiance en soi, sans se prendre la tête» (8 séances d’hypnose guidées à faire à la maison), éd. First/Lizzie.