Paul Ricoeur : parcours de la reconnaissance

Nous aspirons tous à la reconnaissance, mais ce mot de reconnaissance est galvaudé, il a perdu un peu de son épaisseur, à force d’être utilisé à tort et à travers. La reconnaissance ne s’institue pas d’un coup de baguette magique mais répond à un véritable processus. Ce processus se fait progressivement.

D’abord, on a besoin d’ « être reconnu », on est alors dans une certaine position passive, dépendante (niveau 1 de la reconnaissance). J’ai besoin que l’autre atteste qui je suis. Puis, il s’agit de « reconnaître l’autre », ce qui se réalise dans un mouvement actif vers l’autre (niveau 2). Je dis à l’autre comment je le vois. Cela permettra la reconnaissance réciproque : « se reconnaître mutuellement » qui est de l’ordre de l’altérité (niveau 3). On échange des regards réciproques, ce qui participe à l’ajustement de nos images de soi respectives. Bien sur, tous les niveaux tissent le « se reconnaître soi-même » (niveau 4). La boucle est bouclée de la manière suivante : Plus on se sent reconnu, plus on est reconnaissant. « Etre reconnaissant » étant le niveau 5 de ce parcours essentiel de la reconnaissance.

La question de l’identité est au centre de la question de la reconnaissance

« N’est ce pas dans mon identité authentique que je demande à être reconnu ? Et si par bonheur, il m’arrive de l’être, ma gratitude va vers ceux qui, d’une manière ou d’une autre ont reconnu mon identité en me reconnaissant »
« Pour identifier, il faut distinguer, c’est en distinguant qu’on identifie …. C’est à être distinguée qu’aspire une personne humiliée. » c’est-à-dire être reconnue dans sa singularité la plus irréductible.

Reconnaissance et changement

Comment se reconnaître à travers nos changements. P. Ricœur fait appel à deux concepts : la mêmeté, et l’ipséité.
Mêmeté. Ce qui reste identique sous les changements ; je reconnais ce qui persiste à travers les changements. Je garde mes yeux bleus, même si j’ai des rides et que je pleure ou souris…
Ipséité. Je ramène à moi, les divers changements. Même si mes cheveux sont passés de brun au blanc, puis à la couleur, je les reconnais comme les miens.
Je ne connaissais pas mes cheveux blancs, mais je les reconnais comme miens.
Reconnaître, ce n’est pas forcément connaître- du fait de la fluidité de l’être, Reconnaître , c’est ne pas enfermer l’autre dans une connaissance.
La reconnaissance se fait à l’épreuve de la méconnaissance.

Identité narrative

Importance du récit, l’identité est toujours une identité narrative qui met en perspective la mêmeté et l’ipséité. Qui parle, qui agit, qui raconte ? .
« Apprendre à se raconter, c’est apprendre à se raconter autrement. »

Ethique et responsabilité

C’est par la dimension éthique que l’identité se structure, que l’ipséité s’ordonne.
En me reconnaissant comme auteur, acteur de mes actes, de mes paroles, de mes gestes, et intentions. Je suis comptable de mes actes… peut-être même aussi de mes intentions.

« Le pardon, fait de la mémoire inquiète une mémoire apaisée, une mémoire heureuse.»

La reconnaissance mutuelle

L’un/l’autre ; l’un par /pour l’autre, ce n’est pas l’un EST l’autre. La réciprocité ne va pas de soi, mais elle est féconde. Car il y a une véritable simultanéité de la reconnaissance existentielle : quand on reconnaît autrui comme existant, vivant, on se sent soi-même exister, vivre.

Bibliographie :

Paul Ricoeur, Parcours de la reconnaissance (Stock, Les essais, 2004)
Paul Ricoeur, Soi-même comme un autre (Seuil, 1990)